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Risques chimiques : quel suivi individuel de l’état de santé des travailleurs exposés ?

En quoi consiste le suivi individuel des travailleurs sur les risques chimiques ? Existe-t-il des particularités ? Quelles informations l’employeur doit-il transmettre au service de prévention et de santé au travail (SPST) ? Le point dans ce focus juridique.

Tous les salariés bénéficient d’un suivi individuel de leur état de santé, assuré par un service de prévention et de santé au travail (SPST). En outre, il est expressément prévu dans le champ des missions du médecin du travail qu’il participe à la prévention des risques professionnels et à la protection de la santé des travailleurs, notamment contre l’ensemble des nuisances, y compris les risques d’exposition à des agents chimiques dangereux.

Les salariés exposés aux risques chimiques bénéficient-ils tous du même suivi ?

L’évaluation des risques et l’identification des agents chimiques auxquels est exposé chaque travailleur sont un préalable indispensable à la mise en place du suivi individuel puisque le type de suivi peut varier en fonction des agents chimiques concernés.
En effet, si de manière générale les travailleurs exposés au risque chimique peuvent faire l’objet d’un suivi individuel de leur état de santé « classique » sous forme de visites d’information et de prévention, les expositions à certains agents chimiques dangereux (ACD) ouvrent le droit à un suivi individuel renforcé.
Pour être en mesure d’organiser le suivi adéquat, le SPST doit bien entendu recevoir en amont certaines informations de la part de l’employeur, avec quelques spécificités en matière de risques chimiques.

Quelles informations le SPST doit-il recevoir pour être en mesure d’assurer ce suivi ?

Afin d’assurer sa mission principale d’éviter toute altération de la santé des travailleurs, lorsque ceux-ci sont exposés aux risques chimiques, le médecin du travail ou l’équipe pluridisciplinaire dans les SPST interentreprises doit recevoir les informations suivantes de la part de l’employeur :

  • nature et composition des produits chimiques utilisés ainsi que leurs modalités d’emploi.

L’employeur transmet notamment au médecin du travail les fiches de données de sécurité (FDS) délivrées par le fournisseur de ces produits ;

  • résultats de toutes les mesures et analyses réalisées dans les domaines entrant dans son champ d’intervention ;
  • à compter de juillet 2024 : liste actualisée des travailleurs susceptibles d’être exposés aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR).

Par ailleurs, pour ces travailleurs exposés à ces agents chimiques, le médecin du travail est également informé par l’employeur des absences pour cause de maladie d’une durée supérieure à dix jours.

En quoi consiste ce suivi individuel ?

Le suivi individuel renforcé (SIR)

Le SIR comprend un examen médical réalisé préalablement à la prise de poste et la vérification périodique de l’aptitude par le médecin du travail. Il est réservé aux travailleurs affectés à certains postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité. Il appartient à l’employeur d’informer le service de prévention et de santé au travail (SPST) de l’affectation d’un salarié sur l’un de ces postes.
Pour les risques chimiques, le Code du travail prévoit que les salariés exposés aux agents CMR doivent bénéficier d’un SIR.
La liste des postes concernés par le SIR vise de plus spécifiquement les expositions à l’amiante et au plomb (à partir d’un certain niveau d’exposition ou en fonction de la plombémie mesurée). Mais, l’employeur peut ajouter des postes à cette liste, en cohérence avec l’évaluation des risques et la fiche d’entreprise, après avis du (ou des) médecin(s) du travail concerné(s) et du CSE.

La visite d’information et de prévention (VIP)

Pour les expositions aux autres agents chimiques, les travailleurs bénéficient d’un suivi sous forme de VIP, lors de l’embauche et périodique. Cette visite n’est pas forcément effectuée par le médecin du travail, mais peut être réalisée par le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier, sous l’autorité du médecin. Elle a notamment pour objet d’interroger le salarié sur son état de santé, de l’informer sur les risques éventuels auxquels il est exposé et de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.

D’autres visites et examens peuvent intervenir au cours de la carrière du salarié, notamment des visites à la demande (du salarié ou de l’employeur) et des examens complémentaires, pour lesquels des dispositions particulières sont prévues en cas d’exposition au risque chimique.

 

Quelles sont les particularités du suivi individuel des travailleurs exposés aux risques chimiques ?

Le Code du travail complète les dispositions générales prévues pour le suivi individuel de l’état de santé des travailleurs avec des dispositions applicables à tous les ACD, y compris CMR.

Le dossier médical en santé au travail (DMST)

Le médecin du travail constitue et tient, pour chaque travailleur exposé aux ACD, un dossier individuel contenant notamment les dates et les résultats des examens médicaux complémentaires pratiqués.
Le DMST est conservé pendant au moins 50 ans après la fin de la période d’exposition.
Il est communiqué, sur sa demande, au médecin inspecteur du travail et peut être adressé, avec l’accord du travailleur, à un médecin de son choix.
Si l’établissement ou le SPST auquel il est rattaché vient à disparaître ou si le travailleur change d’établissement, l’ensemble du dossier médical est transmis au médecin inspecteur du travail, à charge pour celui-ci de l’adresser, à la demande du travailleur, au médecin du travail désormais compétent.

Les visites à la demande de l’employeur ou du travailleur

Pour tous les travailleurs, une visite peut être organisée par le SPST à la demande de l’employeur ou du travailleur. En cas d’exposition aux ACD, le Code du travail précise que, en dehors des visites initiale et périodiques et des examens complémentaires dont le travailleur bénéficie, l’employeur fait examiner par le médecin du travail tout travailleur exposé à des ACD qui se déclare incommodé par des travaux qu’il exécute. Cet examen peut être réalisé également à la demande du travailleur.
Les examens complémentaires
Pour tous les travailleurs, le médecin du travail peut réaliser ou prescrire les examens complémentaires nécessaires :

  • à la détermination de la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, notamment au dépistage des affections pouvant entraîner une contre-indication à ce poste de travail ;
  • au dépistage d’une maladie professionnelle (MP) ou d’une maladie à caractère professionnel susceptible de résulter de l’activité professionnelle du travailleur ;
  • au dépistage des maladies dangereuses pour l’entourage professionnel du travailleur.

Pour le suivi individuel des travailleurs exposés aux ACD, il est précisé que, en fonction de l’évaluation des risques, un travailleur affecté à des travaux l’exposant à des agents chimiques dangereux pour la santé peut faire l’objet d’un examen médical complémentaire prescrit par le médecin du travail afin de vérifier qu’il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux.
Celui-ci comprend un examen clinique général et, selon la nature de l’exposition, un ou plusieurs examens spécialisés complémentaires auxquels le médecin du travail procède ou fait procéder.
La surveillance biologique
Le médecin du travail prescrit les examens médicaux nécessaires à la surveillance biologique des expositions aux agents chimiques (les analyses destinées à vérifier le respect des valeurs limites biologiques fixées par la réglementation sont réalisées par des organismes accrédités).
Il informe le travailleur des résultats des examens et de leur interprétation.
Il informe également l’employeur de l’interprétation anonyme et globale des résultats de cette surveillance biologique des expositions aux agents chimiques, en garantissant le respect du secret médical.
En cas de dépassement des valeurs limites biologiques, le médecin du travail, s’il considère que ce dépassement résulte de l’exposition professionnelle, en informe l’employeur sous une forme non nominative, ainsi que le travailleur.

Quel impact les résultats des examens effectués peuvent-ils avoir sur les autres travailleurs ?

Évaluation des risques

En cas de maladie ou d’anomalie susceptible de résulter d’une exposition à des ACD (y compris CMR), une nouvelle évaluation des risques est réalisée par l’employeur en vue d’assurer une meilleure protection de la santé et de la sécurité de l’ensemble des travailleurs.

Suivi de l’état de santé

En cas d’atteinte à la santé d’un travailleur (maladie professionnelle, anomalie, etc.), susceptible de résulter d’une exposition à certains agents chimiques, le suivi des travailleurs ayant subi une exposition comparable peut faire l’objet d’adaptations.

Le suivi s’arrête-t-il avec l’exposition du travailleur ?

Les travailleurs qui bénéficient du SIR, ou qui ont bénéficié d’un tel suivi au cours de leur carrière professionnelle, sont examinés par le médecin du travail au cours d’une visite médicale, dans les meilleurs délais après la cessation de leur exposition à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou, le cas échéant, avant leur départ à la retraite.
Cet examen médical vise à établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou plusieurs « facteurs de pénibilité » auxquelles a été soumis le travailleur. S’il constate une exposition du travailleur à certains risques, notamment chimiques, le médecin du travail met en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin conseil des organismes de Sécurité sociale.
Cette surveillance tient compte de la nature du risque, de l’état de santé et de l’âge de la personne concernée.

 

Références juridiques

  • Missions du médecin du travail : article R. 4623-1 du Code du travail
  • Visite d’information et de prévention : articles L. 4624-1 et R. 4624-10 et suivants du Code du travail
  • Suivi individuel renforcé : articles L. 4624-2 et R. 4624-23 et suivants du Code du travail
  • Examen préalable à la mise en place d’un suivi post-professionnel ou post-exposition : articles L. 4624-2-1 et R. 4624-28-1 à R. 4624-28-3 du Code du travail
  • Information du médecin du travail ou du SPSTI : article R. 4624-4-1 du Code du travail
  • Examens complémentaires : articles R. 4624-35 et suivants du Code du travail
  • Dispositions à mettre en œuvre lorsque les résultats de l’évaluation des risques chimiques révèlent un risque pour la santé et la sécurité des travailleurs : article R. 4412-12 du Code du travail
  • Suivi individuel de l’état de santé des travailleurs exposés aux ACD, y compris CMR : articles R. 4412-44 à R. 4412-57 du Code du travail

 

Source : https://www.inrs.fr/publications/juridique/focus-juridiques/ 10/06/2024